La rose dans l’œuvre de Pline l’ancien (extrait)
Par Legion VIII Augusta • Publié dans : Empire romain
[1] Les Romains n’avaient dans leurs jardins qu’un très petit nombre d’espèces de fleurs à couronnes, et presque uniquement les violettes et les roses. Le végétal qui porte la rose est, à vrai dire, plutôt une épine qu’un arbuste; cette fleur vient aussi sur une espèce de ronce (rosa canina) (XVI, 71), et là même elle est d’une odeur agréable, quoique peu pénétrante. Toutes les roses sont d’abord enfermées dans un bouton dont l’enveloppe est grenue; ce bouton ne tarde pas à se gonfler, et à former une sorte de cône vert. Peu à peu la fleur prend une teinte rouge, s’entrouvre et s’épanouit, embrassant des filaments jaunes placés au centre. L’emploi qu’on en fait dans les couronnes est, pour ainsi dire, le moindre parti qu’on en tire : on la fait macérer dans l’huile, et cela dès la guerre de Troie, d’après le témoignage d’Homère (Il, XXIII, 186); de plus, on l’incorpore dans des parfums, comme nous l’avons dit (XIII, 2); on remploie aussi seule en médecine; on la fait entrer dans des emplâtres et des collyres, à cause de ses qualités pénétrantes ; on s’en sert encore à parfumer les tables dans les festins, et jamais elle ne cause de mal.
[2] Les espèces les plus célèbres parmi nous sont la rose de Préneste et celle de Campanie; d’autres ont ajouté celle de Milet, qui est d’un rouge très vif, et qui n’a pas plus de douze feuilles; vient ensuite celle de Trachinie (IV, 14), qui est moins rouge, puis celle d’Alabanda, dont les feuilles sont blanchâtres : la moins estimée est la rose épineuse, qui a beaucoup de feuilles, mais très petites. Les roses différent, en effet, par le nombre des feuilles, par la rudesse, le poli, la couleur, l’odeur.
[3] Le nombre des feuilles, qui n’est jamais de moins de cinq, va toujours croissant, au point qu’Il est une espèce à cent feuilles : elle vient en Italie, dans la Campanie, et en Grèce, dans les environs de Philippes; mais dans ce dernier lieu elle ne croît pu naturellement: elle vient du mont Pangée, qui est dans le voisinage, et qui produit des ruses à feuilles nombreuses et petites; les habitants les transplantent, et les améliorent par cela même. Cette espèce n’est pas très odorante, non plus que celle dont la feuille est très large et très grande. On peut dire, en peu de mots, que le parfum de la fleur est en rapport avec la rudesse du calice. Caepion, qui vivait sous le règne de l’empereur Tibère, a prétendu que la rose à cent feuilles ne s’employait pas dans les couronnes, ou bien qu’on la reléguait à la jonction des deux branches, n’étant remarquable ni par le parfum ni par la forme.
[4] Celle que les Latins nomment grecque, et les Grecs lychnis (agrostema coronaria, L.) ne vient que dans les lieux humides, n’a jamais plus de cinq feuilles, n’est pu plus grosse qu’au violette, et n’a aucune odeur. Une autre, nommée graecula, a les feuilles réunies en peloton; elle ne s’épanouit que lorsqu’on la presse avec la main, et semble toujours être en bouton; les feuilles en sont très larges. Une autre est portée sur une tige semblable à celle de la mauve, et dont les feuilles sont celles de l’olivier; on la nomme mosceuton. La rose d’automne, appelée coroecola, tient le milieu pour la grosseur entre les précédentes. Toutes ces roses sont sans odeur, excepté ta coroneola et celle qui vient sur une ronce; tant il y a de fausses roses !
[5] Au reste, la vraie rose doit elle-même beaucoup au terroir : c’est à Cyrène qu’elle est le plus odorante; aussi le parfum qu’on y fait est-il excellait; à Carthagène en Espagne [grâce au terroir], il y a des roses précoces pendant tout l’hiver. La température n’est pas non plus sans influence : en certaines années, les roses sont moins odorantes. En outre, elles sont toutes plus parfumées dans les lieux secs que dans les lieux humides. Le rosier ne veut être planté ni dans les terrains gras, ni dans les terrains argileux, ni dans les terrains arrosés; il se contente d’une terre légère, et aime particulièrement un sol couvert de gravois. La rose de Campanie est précoce, celle de Milet est tardive; cependant c’est celle de Préneste qui finit la dernière. Pour le rosier on travaille la terre plus profondément que pour le blé, plus superficiellement que pour la vigne.
[6] Il vient très lentement de graine (la graine est dans le calice, sous la fleur même, et recouverte d’un duvet) ; aussi préfère-t-on le planter de bouture. Une seule espèce se plante, comme le roseau (XVI, 67), par des yeux de racine: c’est le rosier à roses pâles, épineuses, à cinq pétales, à branches très longues; cette rose est la seconde des roses grecques. Tous les rosiers gagnent à être taillés et passés au feu. La transplantation les fait, comme la vigne, pousser très bien et très vite : on a des boutures de quatre doigts de long ou plus, on les plante après le coucher des Pléiades; puis, lorsque le Favonius [vent d’occident] souffle, on les replante à des intervalles d’un pied, et l’on remue fréquemment la terre alentour. Ceux qui veulent rendre les rosiers hâtifs font une fosse d’un pied autour de la racine, et y versent de l’eau chaude au moment ou les boutons commencent à pousser.
Histoire naturelle livre XXI, X